Je me souviens farpaitement de mon premier contact auditif avec Zbeb! je faisais une émission de webradio (vglp) avec plus ou moins des thématiques, et un certain "Pierre Etbunk" m'a envoyé du matos pour faire une spéciale marseillaise. Sur un ftp, un répertoire nommé Zbeb, et un premier morceau : "Les fonctionnaires de la révolution". Une écoute sans attention, et le refrain qui fait "le droit de grève, il faudrait l'interdire...". WTF ? (à l'époque on disait pas wtf, mais je réactualise à la volée afin de mieux souligner ma stupéfaction) (car stupéfait je fus). WTF ?? (aurais-je dit) (donc), serait-ce là un de ces groupes de punks réac, du genre ouvertement anti-syndicalistes, un charge69 version vieux port ? Holaaa non ! Car le refrain poursuit :
"Le droit de grève, il faudrait l'interdire
Et se battre vraiment pour le reconquérir
Les moutons râlent, dans le respect des traditions
Les fonctionnaires de la révolution !"
C'est pas un morceau contre le droit de grève mais contre les "manifs balades", les manifestations millimétrées, encadrées, et finalement inutiles. Dernier exemple marquant en date : nous fûmes des millions à défiler de manière régulière pour la sauvegarde de la retraite à soixante balais. Les socialos nous ont entendus, ils ont promis, ils ont été élus, et les soixante balais, on les a eu dans le fût (partis en kumée). "La démocratie c'est cause toujours". Et ce morceau de Zbeb! est clairement bien torché.
Alors quand Zbeb! a sorti "Festin... Famine" (uniquement en téléchargement à l'époque, en 2011), je me suis précipité dessus. 8 titres, 8 bombes. Dont 3 tueries qui devraient rentrer le best of du punk rock hexagonal. Pirates, Constroy, et Révo. Tous les textes de Zbeb! sont d'une rare pertinence, mais sur ces trois là, la musique catalyse le frisson provoqué par des paroles que l'on me permettra de qualifier de sublime.
Sur Pirates, qui raconte une mutinerie :
"Ce sont vos propres armes qui vous sont opposées !
La peur, le sabre, et l'océan
...
Il est déjà bien loin, ce grand vaisseau fantôme.
En quête d'autres proies et d'autres interdits !
Quelque part sur les flots, tous les mutins entonnent:
Vivent les hors la loi ! Et vive la piraterie !"
Sur Constroy (Zbeb! ignorait l'existence de Konstroy, le texte n'a donc rien à voir avec l'émission punk rock de FPP), le refrain mérite le panthéon des chansons révolutionnaires working class :
"Les drapeaux sont tachés d'entrailles... (constroy !)
Les chiffons crasseux de travail... (constroy !)
Pas de révolution rouge des fusils... (constroy !)
Mais la révolte noire du cambouis !"
Et Révo est un texte ouvertement, sciemment, imbibé de romantisme révolutionnaire. "Ces chants complètement exaltants, se laisser embarquer par <<le triomphe de l'anarchie>>, <<A las barricadas>>, <<Juillet 1936>>, les poils des bras qui se dressent... ce merveilleux mythe de la révolution auquel on ne croit aps, mais qui donne envie d'y croire. On avait envie d'en jouer, avec du gros accord, du gros refrain à reprendre en choeur[...]", expliquent-ils dans le livret. Ce texte est véritablement magnifiquement ciselé, et oui, il donne envie d'y croire, le temps d'un concert tout au moins.
"[...]Debout camarades tous solidaires
Nos poings tendus balaieront les armées
Du capital, des lois, des militaires,
L’aube anarchiste n’attend qu’à se lever!
Notre unité brisera les frontières
De ceux qui divisent pour mieux règner,
Debout ami-es! écrasons la misère!
L’utopie n’est que proche réalité! [...]"
Et puisqu'on parle de concert, lorsque j'ai vu l'affiche du Maloka Fest 2014, j'ai fait ni une ni deux, mais bien trois heures de route pour me pointer à Chicago (Dijon, France).
<Aparté comptable>
Ca fait un petit bail que je ne me suis point adonné à ce petit jeu agaçant de basse comptabilité, qui consiste à dénombrer la présence scénique féminine. Pour voir Zbeb à Dijon, je me suis enfui de la région parisienne le 7 juin, date à laquelle se tenait une soirée antifa en hommage à Clément Méric à la Flèche d'Or.
Ce soir-là...
Les punks de dijon ont pu voir en tout et pour tout 5 filles sur scène (Le Prince Ringard, Czosnek, Zbeb, Drowning dog, Ulrike's dream) pour 12 groupes.
Les antifas de paname auront eu un soirée plus testostéronée puisqu'une seule fille (la chanteuse de the Skints) se sera glissée sur un plateau bien burné (entre Talco et la Banda Bassoti on est pas loin de la trentaine de couilles).
Franchement, à moins d'être méchamment essentialiste, on ne peut que constater un petit problème persistant avec notre anti-sexisme auto-proclamé.
(et on pourra relire ce billet au sujet d'un docu d'arte)
<fin de l'aparté>
Arrivé dans la place un peu avant 21h, j'avise le planning à l'entrée. Zbeb à 21h... youpi. Je rentre dans les Tanneries avec quand même un petit pincement, c'est probablement la dernière fois que je met les pieds dans le lieu vu que le squat plie les gaules dans pas longtemps (j'ai pas bien pigé le déroulement à venir, mais grosso modo l'année prochaine tout ce beau monde aménage dans un nouvel espace avec une salle de concert parait-il encore plus grande).
21h, un groupe avec une chanteuse... mais même totalement bourré j'aurais deviné qu'elle n'avait pas exactement l'accent de Marseille. C'était Czosnek, du crust polonais. Coup de flip, j'interroge le camarade Jean Jean qui me rassure "ah oui, Zbeb ils ont échangé leur place, mais tu les a pas ratés". Ah cool. "Ils jouent en dernier".
Ah.
Bon.
"Vers 6h du mat'", me confirment plusieurs sources. MAIS C'EST SUPAIRE. Ca faisait longtemps que j'avais pas dormi dans la bagnole.
Cela dit j'ai quand même pas mal discuté et pas vu grand chose, ce qui n'est pas très très respectueux des groupes il faut bien le dire, mais c'était globalement pas ma came. A la louche, j'ai vu :
- The Sarah Connors fait du reggae soul (mais sobre) (au moins sur scène), et le chanteur fait bien son job d'animateur qui réveille le public (faudrait peaufiner un peu les textes mais les bases sont là : même si on trouve la zique gavante, on reste pour l'ambiance).
- Drowning Dog et DJ Malatesta. Une claque. Un DJ et une hip-hopeuse, a priori pas de quoi titiller ma curiosité, mais la miss possède un putain de charisme quasi hypnotique. Ca chante in english alors on comprend que dalle, sauf qu'on perçoit bien que ça poutre et qu'on kifferait avoir les lyrics pour bien entrer dans la transe. Il y a des vidéos qui trainent, vous pouvez jeter un oeil et une oreille, c'est de la bonne (comme >ici<, à la kneut).
Et le trio de fin, avec les trois groupes que je voulais voir. Enfin, surtout Ulrike's dream et Zbeb. Donc :
- Ulrike's Dream. De la balouze. Je pensais qu'il trainait plus de vidéos, du coup j'ai pas filmé, préférant profiter du concert peinard. Et j'ai bien fait car car vous pouvez trouver des extraits du concert >ici<. Certes il n'y a pas leur génial "Kraken gaat door" (une vidéo porte ce nom mais c'est une erreur de titrage), mais vous pourrez largement vous faire une idée du style : de l'anarcho-punk péchu avec voix qui hurle, et des passages bien cool reggae, mid tempo. Et ce "Kraken gaat door", bordel...
- Usual Suspects. Disons tout de go, autant j'avais surkiffé (oui j'emploie le verbe "surkiffer" si je veux) le premier album hasta la vista commandante (moron multinationals et They don't want us to know y sont pour beaucoup il faut bien l'avouer) autant leur deuxième opus virant au reggae-punk conçu comme du reggae avec des passages punks m'a un peu refroidi (et ce titre "against all adds" quand on a qu'un myspace rempli de pub à proposer à son public, ça fait doucement rigoler). Leur set aux tanneries ne m'a pas fait changer d'opinion : c'est long et un peu pénible.
Et pour finir Zbeb!. Les conditions n'étaient pas les meilleures, 6h du mat, juste après Usual Suspects... mais une partie du public est restée. Du coup la salle vide tant redoutée n'a pas eu lieu, on a pu voir un chouette concert. Et là j'ai filmé, il était hors de question que je reparte sans avoir gravé ce moment sur la sd card de mon camescope vieillissant (mais toujours fidèle au poste, c'est bien là l'essentiel). Les trois morceaux précités furent précieusement captés, sauvegardés, et propulsés dans le ternet mondial chez VitriolxTV. Les voici.
Alors, on se pose, on se détend...
... et on clique sur play.
A la fin du concert, j'ai appris que "Festin... Famine" s'était matérialisé sous forme de CD à prix libre. Il va de soi que vous pouvez désormais le trouver au catalogue, à prix libre à partir de 2 euros.